Violences, 2020
Dans sa nouvelle création qui prend le titre de « Violences », Léa Drouet s’attache surtout à nous faire passer de l’autre côté des gros intitulés. Le long d’une écriture sensible qui se compose au croisement du corps, du son et de la scénographie, elle nous conduit sur le bord des images de la violence telles qu’elles sont agencées pour nous choquer et, nous sidérant, nous empêcher non seulement d’agir mais déjà de sentir. Résister à l’assignation à la passivité commence peut-être ici: pouvoir éprouver et expérimenter. Reprendre l’expérience de la violence non plus seulement en tant qu’elle est subie par les uns et exercée par les autres, mais en tant qu’elle nous traverse tous et chacun. La violence n’est pas que le lot d’un pouvoir qui nous rend impuissants. Elle est aussi une puissance que nous pouvons déployer pour reprendre des capacités de voir, d’agir et de vivre autrement. Seule en scène, Léa Drouet commence par suivre le parcours de sa grand-mère Mado qui, petite fille, dut traverser des champs et des routes pour échapper à la rafle du Vél d’Hiv’. À partir de là, la metteuse en scène retrace la traversée des frontières qui conduit aujourd’hui d’autres enfants à perdre la vie. Dans les interstices qui séparent les morts que l’on compte de toutes les morts qui ne comptent pas, elle tente de recomposer des mémoires ainsi que des histoires pour l’avenir. L’artiste agit sur un espace principalement composé de sables, évoquant des territoires fracturés, séparés par des frontières ou abîmés par des tours. Si le sable sait parfaitement recouvrir les traces et effacer les marques de violence, il est aussi porteur d’empreintes. Léa Drouet façonne ce paysage où le corps engagé passe du témoin à l’actrice et de l’actrice à la narratrice, comme si les lignes de rupture permettaient surtout des rencontres nouvelles. Alors émergent peu à peu d’autres positionnements, d’autres possibilités d’action et d’autres attentions au détail et au petit. Car c’est peut-être dans la fragilité des grains de sable que se distinguent les fondements, friables et solides à la fois, d’un monde capable d’assumer ses conflits autrement que sous la forme du champ de bataille et de l’État de guerre généralisé.
Camille Louis, Dramaturge
In her new creation entitled Violences, Léa Drouet attempts to take us beyond the big headlines. A sensitive writing composed at the crossroads of the body, sound and scenography, she takes us to the edge of violent images that are designed to shock and astound us, preventing us from reacting but also from feeling. Resisting being assigned to passivity perhaps starts here: the ability to experience and experiment. To recapture the experience of violence, not only as it is suffered by some and exercised by others, but also as something that passes through each and every one of us. Violence is not just a power that renders us powerless. It is also a power that we can use to regain the capacity to see, act and live differently. Alone on stage, Léa Drouet begins by following the journey of her grandmother, Mado, who as a young girl had to cross fields and roads to escape the Vél d’Hiv’ Roundup in 1942. From there, the director retraces the crossing of borders that today leads to other children losing their lives. In the cracks that separate the dead from among all the dead who don’t count, she attempts to reconstruct memories as well as stories for the future. The artists perform in a space mainly composed of sand, evocative of fractured territories, separated by borders or damaged by towers. If sand knows perfectly how to cover traces and efface signs of violence, it also bears imprints. Léa Drouet shapes this landscape where the body passes from witness to actress and from actress to narrator, as if the lines of rupture enable new encounters. Little by little, other positions, other possibilities of action and other attentions to the tiniest detail emerge. Maybe it is in the fragility of the grains of sand that we can distinguish the foundations, both fragile and solid, of a world capable of shouldering its conflicts in other ways than in the form of battlefields and a generalised state of war.
Camille Louis, Dramaturg
Dates
[PREMIERE] 13 au 16 mai 2020, Centre dramatique national Nanterre-Amandiers (FR)23,24,25,26 mai 2020, Kunstenfestivaldesarts, Bruxelles report (covid 19) (BE)
22, 23 septembre 2020, Festival Actoral, Marseille (FR)
13,14,15,16 mai 2021, Kunstenfestivaldesarts, Bruxelles (BE)
21 octobre 2021, FIMP, O Teatro Municipal do Porto (PT)
22, 23 mars 2022, Maison de la Culture d’Amiens (FR)
3, 4, 5 juin 2022, Printemps des Comédiens, Montpellier (FR)
16, 17 juillet 2022, Festival de Santarcangelo (IT)
26, 27 janvier 2023, Beursschouwburg, Bruxelles (BE)
7, 8, 9, 10 février 2023, Théâtre Varia, Bruxelles (BE)
15, 16, 17 février 2023, Théâtre de Liège (BE)
11 avril 2023, La Soufflerie, Rezé (FR)
Crédits
Conception, écriture et interprétation : Léa Drouet
Dramaturgie : Camille Louis
Scénographie : Élodie Dauguet
Musique : Èlg
Lumières : Léonard Cornevin
Assistanat : Laurie Bellanca
Photos : Élodie Dauguet
Production, diffusion : ama brussels – France Morin, asssitée de Clara Schmitt
Production : Vaisseau
Coproduction : Nanterre-Amandiers, centre dramatique national; Kunstenfestivaldesarts, Charleroi danse, centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles; Coop asbl.
Avec le soutien de : Actoral – Festival & Bureau d’accompagnement d’artistes, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de Wallonie-Bruxelles Théâtre-Danse, du Centre Wallonie-Bruxelles Paris, de la SACD, de Shelterprod, Taxshelter.be, ING et du Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge.
Accueil en résidence : Kunstencentrum Buda, Charleroi danse Centre chorégraphique de Wallonie-Bruxelles, [e]utopia, La Bellone House of Performing Arts, Montevideo.
Durée : 50 minutes